Mathieu Palain

Le journaliste Mathieu Palain a assisté pendant plusieurs mois à des groupes de parole réunissant des hommes condamnés pour violences conjugales :

« Ce qui ressort le plus, c’est le déni. Il est tellement fort qu’aucun d’entre eux n’affirme jamais : « J’ai frappé ma femme. » Ils trouvent un milliard de justifications pour ne pas le dire… »

Dans son livre « Nos pères, nos frères, nos amis » (les Arènes), Mathieu Palain restitue les paroles de ces auteurs de violences faites aux femmes et livre les témoignages de celles-ci.

Un livre qui interroge « cette injonction très puissante à la virilité » que notre société adresse aux hommes et qui peut les conduire à ne pas supporter les remises en question, surtout si elles sont formulées par leur compagne. Dans ce modèle les femmes peuvent parfois valoriser « la masculinité toxique, ou hégémonique ; c’est-à-dire les hommes virils, les bad boys. »

« Et puis, il y a aussi la question du patriarcat. Des siècles et des siècles de domination masculine font qu’aujourd’hui les hommes, une fois qu’ils se mettent en couple, de manière naturelle et automatique, se pensent encore comme étant les chefs de famille. Avec cette idée qu’il y aurait une hiérarchie, que votre partenaire, votre femme vous est soumise parce que vous êtes un homme. »

Pour conclure ce livre, nous est proposé ce passage, à la fois magnifique et dérangeant par sa simplicité et sa lucidité :

« Il n’y a rien de pire que des conseils en matière d’éducation, surtout n’en donnez jamais, mais quelqu’un m’a dit récemment: «N’emmerde pas ta fille avec des discours sur ce qu’elle doit faire ou ne pas faire, essaye d’être un homme dont elle pourrait être fière, et ce sera déjà énorme.»

Ça m’a paru lumineux et insurmontable.

Comment montrer l’exemple? Ce livre regorge d’hommes persuadés d’être des mecs bien. Je pensais en être un, moi aussi. Mais clamer sur les toits que je suis féministe, ou que je « soutiens la lutte», qu’est-ce que ça veut dire si en rentrant le soir je ne fais jamais une lessive, jamais la vaisselle, que je ne change pas une couche, ne cuisine pas, ne donne pas le biberon, ne me lève pas quand ma fille pleure la nuit?

Que retiendra-t-elle de mes avertissements sur les hommes et leurs vices quand à 15 ans elle me verra rabaisser sa mère, choisir seul notre lieu de vacances, agir comme un chef au motif que je suis pourvu d’une paire de couilles? »